L’impact de COVID-19 pourrait être dévastateur au Malawi alors que la politique prend le devant de la scène

MALAWI
Mots Clés : LA BATAILLE SYNDICALE CONTRE LE COVID-19 Bulletins d’Information Malawi

La pandémie de COVID-19 a atteint le Malawi dans le contexte d’une contestation politique et de troubles majeurs. En février 2020, la cour constitutionnelle du pays a annulé les résultats des élections présidentielles contestées de mai 2019 en raison de « graves irrégularités ». Les juges ont ordonné de nouvelles élections qui étaient alors prévues pour le 2 juillet. Par conséquent, la réponse à la pandémie a été fortement influencée par le contexte politique caractérisé par l’incertitude et le désordre. Cela est aggravé par le fait que le président Peter Mutharika est déjà perçu par beaucoup comme un canard boiteux. Entre autres choses, l’approche unilatérale du gouvernement a permis aux partis d’opposition de l’accuser de faire de la politique avant les élections de juillet.

Par conséquent, lorsque le président Peter Mutharika a annoncé un confinement de 21 jours qui devait commencer le samedi 18 avril dans le but de contenir la propagation du virus dans le pays, un groupe de la Coalition des défenseurs des droits humains (DRHC) s’est adressé à la Haute Cour pour demander une injonction pour empêcher le gouvernement de mettre en œuvre le confinement national de 21 jours en raison du coronavirus. C’était en dépit de l’avertissement de Mutharika que jusqu’à 50 000 Malawiens pourraient perdre la vie à cause du virus Covid-19. Cependant, le DRHC a fait valoir que le président ne précisait pas de vision de sécurité sociale pour les personnes vulnérables pendant le confinement, un argument qui a influencé la Haute Court du pays dans le blocage du confinement dans le but de protéger les pauvres.

Premières mesures du gouvernement
Le 20 mars 2020 déjà, le président du Malawi, le professeur Peter Mutharika, a déclaré l’état de catastrophe à la suite de la déclaration par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de la pandémie de COVID-19 le 11 mars 2020. Le gouvernement a ensuite mis en place des mesures pour commencer le dépistage des voyageurs à haut risque entrant au Malawi. Le 2 avril 2020, les trois premiers cas de COVID-19 ont été confirmés au Malawi. Le 4 avril, le président annonça des mesures supplémentaires pour soutenir le confinement, accroître la capacité du secteur de la santé et atténuer les risques pour l’économie. Il a également annoncé la mise en place de structures pour coordonner et mener la lutte contre la pandémie. Ce sont :

i. Un Comité du Cabinet de crise sur le COVID-19, dirigé par les Ministères de la santé et de gestion des catastrophes et événements publics, qui se réunit chaque semaine pour coordonner les mesures de réponses à la pandémie.
ii. Le Comité national de préparation et de secours en cas de catastrophe continue également de se réunir et examine les recommandations du système de lutte contre la maladie.
iii. La mise en place d’un certain nombre de pôles opérationnels pour couvrir différents aspects liés à la réponse à la crise. Le travail des différents groupes a été intégré au Plan national.

Les autres mesures annoncées comprenaient :

i. Communication :

 Éducation civique intensifiée et partage d’informations par les autorités gouvernementales avec les communautés.
 Outils de communication sur les risques développés par l’Unité d’éducation à la santé, y compris des affiches, des jingles et des dépliants.
 Le ministère de la Santé a développé une application pour suivre les patients et les suspects afin d’assurer la conformité aux directives nationales.
 Mises à jour des médias, communiqués de presse et diffusion d’informations sur les réseaux sociaux.

ii. Secteur des voyages et des transports
 De nombreuses restrictions sur les transports publics ont été introduites par le ministère des Transports, mais la pleine application, en particulier en ce qui concerne les minibus, reste un défi.
 Tous les déplacements transfrontaliers de passagers ont été suspendus à compter du 1er avril 2020, y compris la suspension de tous les vols internationaux, à l’exception de ceux transportant du personnel de santé, de l’équipement, des articles de secours d’urgence, des résidents de retour et des marchandises générales.
 Afin de réduire l’impact des restrictions imposées à l’industrie des transports, l’Autorité de régulation de l’énergie du Malawi a réduit les prix du 4 avril 2020 : diesel 13,75%, essence 16,13% et paraffine 9,71%.

iii. Décongestion des lieux de travail
 Pour décongestionner les lieux de travail, tous les bureaux devaient travailler par équipes à l’exception de ceux qui fournissent les services essentiels.
 Pour le secteur public, le secrétaire Chief du gouvernement a publié un circulaire pour donner des directives.
 Pour les secteurs privés et autres, les chefs d’institutions devaient établir des liaisons avec le secrétaire chargé du travail.
 Tous les lieux, bâtiments et structures avec accès au public devaient s’assurer qu’il y ait une ventilation adéquate.
 Tous les employeurs devaient permettre aux employés vulnérables, y compris ceux qui ont des problèmes de santé sous-jacents, de faire du télétravail ou de rester à la maison.

iv. Dépistage et mise en quarantaine
 L’exigence d’un auto isolement ou institutionnel de 14 jours pour tous les résidents et ressortissants rentrant des pays touchés a été instituée. Ceux qui présentaient des symptômes se faisaient prélevés des échantillons chez eux dans leurs maisons.
 La recherche des contacts de toutes les personnes qui sont entrées en contact avec des cas confirmés ;
 L’intensification du dépistage à tous les points d’entrée et surveillance des voyageurs en provenance de pays avec des cas confirmés.
 Tous les hôpitaux de district devaient réserver des chambres / des espaces pour le traitement des cas confirmés.
 Les travaux ont commencé sur les espaces de traitement dans les districts frontaliers et les hôpitaux centraux ;
 La formation desprofessionnels de la santé et des agents de santé communautaire a été lancée.
 Le 4 avril, le président de la République a annoncé la mise à disposition d’équipements de protection individuelle pour toutes les personnes susceptibles de contracter la maladie, en particulier le personnel de la santé.

Autres mesures pour sauver l’économie et protéger les citoyens
Des mesures ont également été annoncées pour atténuer les effets du COVID-19 sur l’économie, les ménages et les travailleurs vulnérables, car beaucoup vivent en dessous du seuil de pauvreté. Parmi ces mesures :

i. La réduction des prix des carburants parallèlement à la baisse des prix à l’échelle internationale.
ii. L’ajustement du montant des réserves de liquidité de 125 points de base à 3,75 pour cent, par les Banques de réserve, libérant ainsi immédiatement 12 milliards (environ 16,3 millions de dollars US) pour que les banques commerciales puissent octroyer des prêts à leurs clients.
iii. Réduction des frais et taxes sur toutes les transactions monétaires électroniques afin de promouvoir l’utilisation des transactions monétaires électroniques.
iv. L’Autorité fiscale du Malawi a reçu l’ordre d’ouvrir un guichet volontaire de conformité fiscale pour une période de six mois afin de permettre aux contribuables ayant des arriérés de régler leurs obligations fiscales par acomptes provisionnels sans pénalité.
v. Exonérations fiscales sur l’importation de biens essentiels pour la gestion du coronavirus, y compris l’équipement de protection individuelle, les désinfectants pour les mains, les savons, les produits chimiques de traitement de l’eau et bien d’autres ;
vi. Le Fonds de développement des entreprises du Malawi augmentera l’allocation de prêts de 13 milliards à 15 milliards de pour aider les petite et moyenne entreprises gravement touchées par la pandémie ;
vii. L’augmentation de 50 % de l’allocation nutritionnelle payable aux fonctionnaires ayant des problèmes de santé de base.
viii. L’emploi de 1700 travailleurs de la santé supplémentaires.

Le président a également annoncé que le gouvernement était prêt à effectuer des paiements en espèces pour soutenir les pauvres et à persuader les vendeurs de fermer les magasins lors d’un projet de confinement. Un minimum de 172 000 ménages, représentant environ 35% de la population urbaine, devait être ciblé, avec un paiement à chacun de 35 000 Kwatchas par mois sur la base du taux de salaire minimum du gouvernement en vigueur. Cependant, le confinement a été contesté devant les tribunaux et empêché d’entrer en vigueur.

Le rôle du syndicat dans la lutte contre COVID 19 au Malawi
Le Congrès des syndicats du Malawi (MCTU) a joué un rôle clé dans la lutte contre le COVID 19 dans le pays. Le MCTU a exprimé son soutien précoce aux mesures mises en place par le gouvernement pour faire face à la pandémie. Le syndicat a appelé les travailleurs à observer les directives énoncées par le Ministère de la Santé pour contenir et prévenir la propagation du virus. Le MCTU a ensuite exhorté les employeurs à accorder une attention particulière à la sécurité et à la santé des travailleurs et a exigé de toute urgence une augmentation des indemnités de risque pour les agents de santé. Il a également demandé aux employeurs de plus de 100 employés de mettre en place un système de travail posté pour réduire la congestion sur les lieux de travail.

Le MCTU a en outre insisté sur la nécessité d’un dialogue social et de négociations collectives avec les employeurs et le gouvernement pour résoudre les problèmes de COVID-19. Ce qui a incité le ministère du Travail à convoquer une réunion tripartite. Les trois revendications initiales du syndicat étaient les suivantes :

i. Que le gouvernement protège les employés contre les réductions de salaire arbitraires.
ii. Que le gouvernement protège les travailleurs contre les pertes d’emplois inutiles.
iii. Que le gouvernement institue des mesures de protection sociale pour les salariés à faible revenu et ceux du secteur informel. Sachant que le salaire minimum du Malawi n’est pas un salaire décent - fixé à 35 000 MK (47 $ US) - le MCTU a proposé que ceux qui gagnent 100 000 MK et moins ne soient pas soumis à l’impôt sur le revenu.

Le syndicat a ensuite recueilli des informations concernant les atteintes aux droits des travailleurs face à la pandémie. Il a noté que la plupart des employeurs, en particulier dans le secteur de l’hôtellerie et du tourisme, licenciaient sans motif leurs travailleurs sans procédure régulière et sans dialogue social. Il a estimé prudemment que 35 000 travailleurs de l’industrie hôtelière (présenté comme l’un des principaux secteurs qui stimulent l’économie du Malawi) avaient perdu leur emploi en raison du COVID-19. Là encore, les entreprises qui dépendent de matières premières importées de Chine et d’autres pays ont également interrompu leur production car elles n’étaient pas en mesure de sécuriser ces matières.

Les informations recueillies ont également indiqué que les femmes étaient les plus durement touchées car elles constituaient un pourcentage plus élevé de travailleurs à faible effectif. Il est également devenu évident que le licenciement de travailleurs avait une tendance discriminatoire, les cadres inférieurs de travailleurs étant en grande partie touchés. En outre, il a été constaté que les travailleurs non syndiqués étaient affectés de manière disproportionnée par des licenciements. Dans de tels cas, le MCTU estime qu’entre 50 et 80% des travailleurs ont perdu leur emploi et ceux qui continuent de subir des réductions de salaire. Le jour de la fête du Travail, le ministre du Travail a estimé que le Malawi pourrait perdre jusqu’à 1,5 million d’emplois en raison de la pandémie.

Le MCTU a apporté une contribution importante à l’élaboration des lignes directrices pour traiter le COVID-19 qui ont été adoptées par la troisième commission tripartite. L’une des principales recommandations était qu’en cas de confinement, le secteur agricole en tant qu’épine dorsale de l’économie du Malawi devrait être autorisé à fonctionner selon des directives strictes, en particulier dans les industries du tabac, du sucre et du thé, afin d’éviter l’étranglement de l’économie. Le MCTU a également recommandé que les cadres de première ligne à haut risque se retirent de l’environnement de travail dangereux. Cela a conduit à la fourniture rapide d’EPI dans la plupart des lieux de travail. Il est impressionnant que le rôle vigilant joué par le MCTU lui ait valu une place dans le groupe de travail présidentiel sur COVID 19. Cela signifie que les syndicats doivent être inclus dans les groupes de travail techniques.

Conclusion
Mauvaise affectation des fonds : le gouvernement du Malawi a subi des pressions pour justifier ses dépenses de réponse aux coronavirus. Le gouvernement a alloué 2,5 milliards de kwacha (3,4 millions de dollars) à sa réponse et a reçu un soutien extérieur, comme 7 millions de dollars immédiats de la Banque mondiale et 2,2 millions de dollars du Royaume-Uni. Pourtant, les agents de santé ont organisé des manifestations pour attirer l’attention sur les graves pénuries d’équipements de protection individuelle (EPI) dans les hôpitaux.

La situation politique particulière du Malawi a rendu difficile pour le pays d’unir la population derrière la menace commune qui les menace. Ce qui signifié également une attention partagée entre la réponse de COVID-19 et les prochaines élections présidentielles. Des rassemblements politiques et des meetings politiques chauds qui rregroupent un grand nombre de personnes ont lieu lorsque de grands rassemblements ont été restreints dans pratiquement tous les autres pays du monde comme l’un des moyens d’éviter de se rassembler pour atteindre une distanciation sociale. Les exigences de la politique semblent avoir dépassé les exigences de la santé publique et représentent un grand compromis dans la lutte contre le virus.

Au 20 mai 2020, le Malawi avait 71 cas confirmés avec 27 guéris et 3 décès. Le nombre croissant de cas confirmés au Malawi et ailleurs en Afrique suppose que la pandémie n’a pas atteint son apogée sur le continent. Ce qui est encore plus compliqué pour le Malawi, c’est la façon dont la politique a sapé la lutte contre la pandémie. Jusqu’à présent, le rôle du syndicat a été louable. Le MCTU fera du bien aux travailleurs et à lui-même en gardant le cap dans la demande de poursuivre le dialogue social pour résoudre les problèmes posés par la pandémie. Les questions de sécurité et de santé des travailleurs, de sauvegarde des emplois et des revenus ainsi que de protection sociale pour tous doivent continuer à retenir l’attention de la commission tripartite.

Le rôle du syndicat jusqu’ici qui l’a placé au centre de la réponse COVID-19 devrait également l’aider à renouveler ses efforts d’organisation des travailleurs. Au-delà, le syndicat devrait également renforcer sa détermination à conjuguer ses efforts pour un nouveau contrat social entre le peuple et l’élite dirigeante, un contrat qui place l’emploi, les revenus, la protection sociale et des services publics de qualité pour tous au cœur des politiques socio-économiques nationales. Le MCTU doit assumer sa responsabilité de représentant fidèle des travailleurs en cette période de grand besoin public.

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