Bulletin d’Information : Les syndicats et la nouvelle normalité dans le monde du travail (Vol 2)

Mots Clés : LA BATAILLE SYNDICALE CONTRE LE COVID-19 Bulletins d’Information

Cette newsletter est le deuxième numéro de l’édition spéciale de la CSI-Afrique sur le COVID-19. Comme dans le premier numéro, cette édition met une fois de plus l’accent sur les réponses individuelles des pays africains à la crise et sur le rôle des syndicats. Nous y présentons également quelques informations sur les effets de la crise touchant les travailleurs migrants et domestiques tout en abordant la violence sexiste qui a eu lieu pendant cette période.

pdf / LES RÉPONSES AFRICAINES FACE À LA CRISE SANITAIRE DU COVID-19 , LE RÔLE DES SYNDICATS (VOL 2)

L’augmentation des nombres d’infections suggère que la pandémie n’a pas encore atteint son point culminant en Afrique. Depuis le 30 avril 2020, date de publication du premier numéro de cette newsletter, les cas de COVID-19 enregistrés en Afrique ont augmenté de plus de 200 %, passant de 37.402 à 135.373 cas confirmés. Le nombre de cas de guérison a également augmenté, passant de 12.248 à 56.401, tandis que le nombre de décès a plus que doublé, passant de 1.598 à environ 3. 923.

Nous nous souvenons que lorsque le coronavirus est entré pour la première fois en Afrique, plusieurs gouvernements africains et l’Union africaine ont réagi rapidement en adoptant des mesures drastiques de restriction et de confinement. Ils ont apparemment pris ces mesures en tenant compte des leçons utiles tirées des succès et des lacunes des pays qui avaient riposté plus tôt au virus en Asie, en Europe et en Amérique.

En effet, jusqu’à présent, les mesures mises en œuvre pour contenir la propagation et soigner les personnes infectées en Afrique se semblent avoir porté leurs fruits. La mortalité des Africains sur le continent n’a pas atteint le nombre effroyable que certaines personnes, y compris l’OMS, avaient prédit. Néanmoins, les africains de la diaspora aux États-Unis, au Brésil et en Europe semblent avoir beaucoup souffert, de manière disproportionnée par rapport à leur nombre dans ces pays. Les effets du coronavirus sur les moyens de subsistance de la majorité des peuples africains ont par contre été dévastateurs. Le niveau des perturbations économiques et de la détresse sociale a été effroyable. La pandémie continue de se propager et les moyens de subsistance sont de plus en plus menacés.

Leçons tirées des réponses nationales

Les réponses nationales à la crise de COVID-19 à travers le monde ont permis à ceux qui veulent apprendre de tirer plusieurs leçons utiles. La première grande leçon est que lorsque les pays ont fermé leurs frontières, et dans certains cas limité les exportations de produits essentiels, les populations se sont subitement heurtées au défi de subvenir à leurs besoins essentiels. En effet, alors que nous semblions être confrontés à la même tempête, les pays et les populations du monde entier se trouvaient dans des navires différents pour y faire face. La fermeture des frontières s’est soldée par des ruptures d’approvisionnement en vivres pour certains et une pénurie de fournitures médicales essentielles pour d’autres.

La deuxième leçon a est que, pendant que les pays riches creusaient dans leurs réserves pour financer les mesures d’urgence de lutte contre le coronavirus, l’Afrique et les autres pays pauvres du monde ne pouvaient pas faire de même. La majorité des États africains et des pays en développement se sont adressés aux institutions financières internationales (IFI) et à certains pays industrialisés pour obtenir l’allègement de la dette, des subventions et des prêts concessionnels afin de pouvoir faire face aux lourdes exigences fiscales que le COVID-19 a imposées à leurs économies.

La troisième leçon sur le COVID-19 est que le pays sont mal préparés aux situations d’urgence. Cette impréparation se traduit et est en fait avivée par la grande fragilité et faiblesse des systèmes et des infrastructures de santé en Afrique, les mauvaises conditions sanitaires, la précarité des systèmes d’approvisionnement en eau et en électricité, la surpopulation urbaine, la quasi-absence de protection sociale, la vaste économie informelle et le nombre important de chômeurs. Ces facteurs ont particulièrement compliqué la mise en œuvre effective des mesures de restriction et de confinement que les pays ont jugées essentielles pour contenir le virus et l’empêcher de se propager de façon incontrôlable.

Par ailleurs, le COVID-19 a révélé les profondes inégalités inhérentes à la vie économique et sociale du continent. D’une part, les classes moyennes et supérieures africaines ont pu, grâce à leurs économies, rester à la maison ou travailler à domicile en réponse au mesures de confinement ou aux interdictions de sortie mises en place pour contenir la propagation du COVID-19. D’autre part, la majorité des travailleurs et leurs familles quasiment sans économies sont restés en proie à la pauvreté et à la famine. Plusieurs ont perdu leurs emplois, leurs revenus et leurs moyens de subsistance. Les travailleurs de l’économie informelle qui n’ont pas suffisamment d’économies, de couverture de protection sociale et qui vivent au jour le jour ont été les plus touchés. La majorité de ces travailleurs se sont retrouvés dans le dénuement et confrontés à un manque d’approvisionnement et d’aide pour faire face aux mesures drastiques de confinement. Une fois de plus, les travailleurs migrants africains, en particulier les travailleurs domestiques au Moyen-Orient, les travailleurs agricoles et domestiques en Italie et ailleurs en Europe, ainsi que d’autres en Asie, notamment en Chine, ont subi des actes de violence et de discrimination pendant cette crise.

Une autre leçon essentielle est la clarification apportée sur les véritables travailleurs de première ligne ainsi que les travailleurs et prestataires de services essentiels. Au fur et à mesure que les mesures de restriction et de confinement étaient imposées, ce sont les professionnels médicaux et soignants ainsi que les scientifiques qui s’occupaient des personnes infectées et qui faisaient directement face à la menace posée par le nouveau coronavirus qui se sont clairement avérés être les travailleurs de première ligne. Les travailleurs essentiels sont ceux dont le travail s’est révélé indispensable à la survie minimale et à la capacité des nations à répondre à la menace existentielle qui pesait sur elles et leurs populations. Il s’agit de personnes qui donnent des soins, de producteurs et de distributeurs de denrées alimentaires, de travailleurs du secteur de l’eau et d’autres services publics, de producteurs de produits thérapeutiques et pharmaceutiques, de nettoyeurs et d’autres agents sanitaires, de petits commerçants, de transporteurs, de personnel de sécurité, de travailleurs de la presse et de décideurs politiques. Pendant la période difficile de ces derniers mois, où la plupart des régions du monde étaient pratiquement dans le confinement pour contenir la propagation du virus, les travailleurs essentiels se sont révélés être des éléments clés en appuyant les héros et héroïnes en première ligne de la lutte contre le coronavirus et sa menace d’extinction des populations.

L’Afrique et sa résilience

Malgré le mauvais état de préparation dans lequel la pandémie nous a trouvé, plusieurs gouvernements africains et leurs populations ont apparemment fait preuve d’une résilience remarquable dans la lutte contre le COVID-19. Du côté des syndicats, nombreux sont ceux qui avaient réagi avec fermeté pour défendre et protéger les travailleurs. Ils avaient particulièrement insisté sur la promotion de la sécurité et de la santé sur le lieu du travail et réclamé les équipements et les matériels de protection individuelle pour les travailleurs. Les syndicats ont également été actifs dans la défense et la mise en place de mesures visant à atténuer les effets de la crise sur les travailleurs et leurs familles.

Alors que nous approchons du troisième mois depuis que l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que le COVID-19 était une pandémie mondiale, le monde semble s’orienter progressivement vers un assouplissement des mesures qui ont été initialement introduites pour contenir le coronavirus et l’empêcher de se propager. La nécessité de trouver un équilibre entre les exigences de santé publique, la production économique et la reproduction sociale amène les pays à lever les mesures de restriction, même s’il est clair que le COVID-19 existe toujours et qu’il continue de représenter une menace pour les populations.

La nouvelle normalité

La levée des mesures de restriction et la reprise du travail pendant que le coronavirus est encore présent signifie clairement que le monde ne doit plus se contenter de faire les choses comme avant. Le monde est carrément confronté à la situation d’une nouvelle normalité. Il faut que la vie et le travail aillent de pair avec le coronavirus. Cependant, la connaissance du virus s’accroît et nous apprenons chaque jour à mieux le combattre et à préserver notre vie.

Nous devons réfléchir profondément aux leçons tirées au cours de ces derniers mois. Le COVID-19 a particulièrement révélé les faiblesses socio-économiques de l’Afrique et a eu des conséquences plus néfastes sur les travailleurs et leurs familles. Cela devrait à son tour nous inciter à travailler pour relever les défis, qu’il comporte, de :
 parvenir à la sécurité alimentaire et à l’autosuffisance en termes de mise à disposition de biens essentiels comme les produits médicaux de première nécessité ;
 promouvoir la protection sociale pour tous ;
 veiller à la création d’emplois et à la mise en place de revenus vitaux ; et surtout d’
 institutionnaliser le dialogue social et l’inclusion comme moyens de réaliser ces objectifs.

Au moment où le monde commence à s’ouvrir et à retourner au travail, il convient de rappeler aux syndicats africains qu’il existe déjà des mécanismes de l’Union Africaine (UA), des instruments internationaux et des normes de travail qui peuvent être utilisés efficacement pour défendre les droits et les intérêts des travailleurs africains. L’Agenda 2063 de l’UA : l’Afrique que nous voulons, et la Zone continentale de libre-échange africaine (ZLEC) récemment adoptée, offrent aux pays africains un cadre réaliste de collaboration. Cela a été renforcé par le Centre africain pour le contrôle des maladies qui, depuis l’apparition du COVID-19, semble avoir réussi à coordonner les réponses africaines à la pandémie mondiale. Les syndicats africains sont tenus d’apporter leur contribution à la réalisation du programme africain de coopération et d’intégration régionales.

Au moment où les pays se préparent à assouplir les mesures de restriction et à s’ouvrir, les syndicats doivent s’unir au niveau national et réclamer un dialogue social avec les employeurs et les gouvernements pour discuter des conditions et des mesures de la reprise du travail. Ces mesures doivent être conformes aux normes internationales du travail. Ces démarches peuvent faire en sorte qu’au fur et à mesure que nos pays continuent à affronter le COVID-19 et les ravages qu’il a causés aux économies et aux moyens de subsistance, nous commencions à prendre les dispositions nécessaires pour établir un nouveau contrat social entre nos gouvernements et nos populations.

À cet égard, le dialogue social doit chercher à établir des principes clairs pour la relance et la reconstruction après la crise et s’efforcer de développer des politiques et d’adopter des mesures visant à favoriser la création et la protection d’emplois, de revenus et de droits des travailleurs. Ce dialogue peut également servir de cadre et de source d’information pour l’élaboration de stratégies claires et transparentes en ce qui concerne le fonds de soutien aux entreprises et aux travailleurs. Les syndicats ont tout intérêt à veiller à ce que le dialogue social permette également aux travailleurs d’engager des négociations collectives sur leurs conditions de travail et aux travailleurs de l’économie informelle d’être représentés dans le processus de prise de décision sur les questions qui les concernent.
Les comités de la santé et sécurité au travail (SST) doivent être pleinement mis à profit sur le lieu de travail concerné. Ces comités doivent être équipés pour discuter avec les employeurs des principes fondamentaux de la santé et sécurité au travail. Ils doivent également être mis à contribution pour évaluer les risques sur le lieu de travail et décider des mesures de mitigation et de prévention des risques ainsi que des dispositifs et des équipements de protection.
De plus, pour améliorer la sécurité sur le lieu de travail, les syndicats peuvent exercer des pressions et apporter leur contribution à la création de centres d’information où les travailleurs peuvent obtenir ou fournir des informations pertinentes sur ce qui se passe sur leur lieu de travail ou dans leur communauté.

Enfin, comme le souligne l’OIT, le monde du travail peuvent bénéficier de sessions de formation conjointes de syndicats et d’employeurs sur les dispositions de la santé et de sécurité au travail, la transmission et les risques du COVID-19 en couvrant les sujets suivants :
 le mode de transmission du COVID-19 sur le lieu de travail et dans la communauté
 les mesures de mitigation en matière de sécurité et de santé, y compris la distanciation physique
 l’information, les affiches et le matériel de protection personnelle
 l’hygiène et la désinfection
 les procédures d’urgence

La récente Recommandation 202 de l’OIT sur les socles de protection sociale, la Recommandation 204 sur la formalisation de l’économie informelle et la Recommandation 205 sur la paix et la résilience sont toutes des sources de référence utiles pour soutenir l’effort syndical visant à rendre la nouvelle normalité du monde du travail bénéfique pour les travailleurs et leurs pays.
La domestication de ces instruments et leur utilisation peuvent également être mises à contribution dans la relance et la reconstruction de nos pays après la crise de COVID-19.

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