À l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, placée sous le thème « Priorité à la santé mentale au travail », l’Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale, CSI-Afrique (https://www.ituc-africa.org/) réaffirme son engagement à oeuvrer en faveur du bien-être et de la dignité des travailleurs à travers le continent africain.
La santé mentale est en effet devenue une question cruciale à une époque où le stress au travail, l’insécurité de l’emploi et l’instabilité économique sont croissants, en particulier pour les travailleurs africains, les travailleurs migrants et les travailleurs du secteur informel de l’économie.
L’Organisation internationale du travail (OIT) définit la santé au travail comme un état de bien-être physique, mental et social complet, et non seulement comme l’absence de maladie ou d’infirmité (Constitution de l’OIT, 1946). Cependant, les travailleurs africains continuent de faire face à des défis importants, notamment de longues heures de travail, une protection sociale inadéquate et des environnements stressants qui exacerbent les problèmes de santé mentale. Les travailleurs migrants, qui font souvent l’objet de conditions de travail abusives et de discriminations, sont particulièrement vulnérables aux troubles mentaux comme l’anxiété et la dépression. La situation décrite ci-dessus souligne la nécessité urgente de renforcer les interventions en matière de santé mentale dans tous les secteurs, en particulier dans l’emploi informel, qui représente près de 80 % de la main-d’oeuvre du continent.
Impact de la santé mentale sur les travailleurs africains
On ne saurait trop insister sur l’impact des problèmes de santé mentale sur la productivité, la vie de famille et le développement de la communauté. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a en effet identifié la mauvaise santé mentale comme l’une des principales causes d’invalidité, d’absentéisme et de présentéisme dans le monde. Ces phénomènes ont un impact non seulement sur les travailleurs individuels, mais aussi sur les économies nationales. En Afrique, où les lacunes en santé mentale sont les plus prononcées, le stress au travail et les problèmes de santé mentale ne sont pas pris en compte, de manière flagrante et fréquente, dans les cadres de santé et de sécurité au travail (SST).
Protection de la santé mentale des travailleurs : un droit, pas un privilège.
Les droits des travailleurs à un environnement de travail sûr et sain sont inscrits dans les conventions de l’OIT, telles que la convention (n° 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, qui exige de tous les employeurs qu’ils offrent un environnement de travail ne mettant pas en péril le bien-être physique et mental des travailleurs. De plus, la convention 190 de l’OIT sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail étend cette protection en s’attaquant à la violence psychologique subie par de nombreux travailleurs. Cette convention souligne que les lieux de travail doivent être exempts de violence, y compris des effets néfastes du stress et d’autres facteurs de stress sur la santé mentale.
En ce qui concerne les travailleurs africains, les groupes les plus marginalisés – les travailleurs migrants et ceux de l’économie informelle – supportent un fardeau disproportionné. Dans des secteurs tels que le travail domestique, l’agriculture et l’exploitation minière, les travailleurs migrants sont confrontés à des facteurs de stress psychosociaux uniques, notamment l’isolement, l’absence de protection juridique et l’accès limité aux soins de santé mentale. Leur sort est le reflet des lacunes plus larges des systèmes de santé mentale et de protection sociale sur l’ensemble du continent.
Vers une culture de santé mentale incluse sur le lieu de travail
Il faut accorder la priorité absolue à la santé mentale dans le cadre d’un programme plus large de santé et de sécurité au travail. La CSI-Afrique appelle les gouvernements, les employeurs et les syndicats à travailler ensemble pour développer des stratégies concrètes qui placent la santé mentale au centre des initiatives de bien-être sur le lieu de travail. Ces initiatives devraient inclure la création d’environnements de travail inclusifs qui favorisent des conversations ouvertes sur la santé mentale, la violence et le harcèlement, ainsi que la mise en place de mesures préventives et applicables, de programmes d’assistance à l’intention des employés et la garantie de l’accès aux soins de santé mentale, en particulier aux groupes les plus vulnérables.
Par ailleurs, nous lançons un appel à nos gouvernements, en particulier à ceux qui n’ont pas encore ratifié les conventions fondamentales de l’OIT sur la sécurité et la santé au travail, à savoir les conventions 155 (sécurité et santé au travail) et 187 (cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail), pour qu’ils le fassent. Nous exhortons également nos gouvernements à prendre le temps et les mesures nécessaires pour garantir la mise en oeuvre, l’application et l’exécution effectives des dispositions de ces conventions dans le cadre d’approches inclusives et collaboratives.
Nous nous associons au plan d’action mondial pour la santé mentale 2013-2030 de l’OMS, qui souligne la nécessité d’une couverture universelle en matière de santé mentale et d’interventions psychosociales sur le lieu de travail. Alors que nous continuons à faire pression en faveur de la ratification des conventions pertinentes de l’OIT, les stratégies nationales de santé doivent inclure des domaines prioritaires en mettant l’accent sur la santé au travail et les travailleurs informels.
En conclusion, la CSI-Afrique réitère que faire de la santé mentale une priorité est un pas essentiel vers la réalisation du travail décent, de la justice sociale et d’un avenir du travail qui ne laisse personne de côté. En cette Journée mondiale de la santé mentale, nous appelons toutes les parties prenantes à agir avec détermination pour bâtir des lieux de travail qui favorisent la santé mentale et la résilience, dans le respect de la dignité et des droits de tous les travailleurs, indépendamment de leur secteur d’activité ou de leur pays.
Publié le 9 octobre 2024,
par le Secrétaire général de la CSI-Afrique,
Akhator Joel Afolabi Odigie,
au nom des travailleurs africains.