DECLARATION DE LA CSI-AFRIQUE SUR LES APE

Mots Clés : FLUX FINANCIERS ILLICITES - « ARRETER L’HEMORRAGIE » Déclarations Droits humains & syndicaux

La CSI-Afrique note avec une profonde inquiétude les tentatives de la Commission Européenne pour persuader les gouvernements africains à signer les Accords de Partenariat Economique (APE). Les Accords de Partenariat Economique (APE) dans leurs formes actuelles, et malgré les concessions superficielles qui ont été accordées par l’Union Européenne depuis le début des négociations, restent incompatibles avec les aspirations de développement de l’Afrique. Les termes de ces accords ne feraient que compliquer la tâche de l’Afrique d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) d’ici 2030. Ils semblent avoir été conçus pour dépouiller complètement l’Afrique de tous les atouts qui lui restent pour la transformation de ses économies. La CSI-Afrique demande donc aux gouvernements africains de ne pas signer les Accords de Partenariat Economique dans leurs formes actuelles.

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La part de l’Afrique dans le commerce mondial continue de baisser malgré l’accès sans droit de douane ni quota aux marchés européens et la mise en oeuvre de vastes programmes de libéralisation unilatérale des années 1990 dans le cadre des conditions imposées par le FMI et la Banque Mondiale. La part du commerce mondial du continent a chuté de 6% en 1980 à 2% en 2013. L’Afrique ne représentait que 4,4% des flux mondiaux d’Investissements Etrangers Directs (IED) en 2014, malgré les mesures d’encouragement séduisantes mises à la disposition des investisseurs.

Il y a des raisons qui expliquent cet état des choses. L’accès au marché offert dans le cadre des accords commerciaux précédents était injuste. En effet, les prix des matières premières d’Afrique ont baissé, tandis que ceux de produits manufacturés ont augmenté (escalade des tarifs). En outre, les barrières non tarifaires, y compris des mesures sanitaires et phytosanitaires absurdes, ont remplacé les tarifs. Par ailleurs, les exportateurs européens ont continué à bénéficier d’importantes subventions qui leur ont permis de concurrencer à leur avantage leurs homologues africains. En plus, les économies africaines ne disposaient que de très peu des produits à exporter vers les marchés européens à part les matières premières. La structure économique coloniale mise en place pour exporter les matières premières et pour importer les produits manufacturés reste inchangée. Les programmes d’ajustement structurel imposés aux pays africains avec la participation active de l’Union Européenne ont détruit complètement les modestes capacités industrielles acquises par les pays africains immédiatement après l’indépendance.
Les APE, tels qu’ils sont actuellement structurés, ne proposent aucune solution à ces problèmes. Ils cherchent par contre à aggraver la situation des économies africaines. L’énorme déficit d’emploi que le continent a accumulé au cours des 30 dernières années suite à un néo-libéralisme acharné va certainement s’aggraver si les APE sont signés et mis en oeuvre. Les APE constituent une menace incontestable aux moyens de subsistance disponibles sur le continent et ne devraient pas être tolérés.

Le commerce peut, sans aucun doute, jouer un rôle important dans la lutte contre la pauvreté et la misère en Afrique. Cela est indéniable ! Cependant, il est très malhonnête d’envisager, comme solution, un libre-échange entre le continent le plus pauvre de la planète (dont certaines économies sont les plus faibles) et le bloc commercial le plus puissant du monde. Quelle que soit la tendance, les APE resteront des accords de libre-échange : l’élimination des tarifs se fera tôt ou tard, dans 5 ou dans 25 ans.

En tant que traité international, les APE entraineront la perte de la liberté vitale en matière de choix des politiques. Compte tenu de la nature rigide des économies africaines, cette liberté de choix des politiques est nécessaire pour s’attaquer aux contraintes nationales et internationales qui pèsent sur la transformation structurelle. Cette liberté de choix des politiques est nécessaire en vue de protéger (comme le fait l’Europe) l’industrie nationale et de mettre en oeuvre des politiques et des programmes qui favorisent les activités à forte valeur ajoutée dans les industries manufacturières et de services. Signer les APE, c’est renoncer à cette liberté de choix des politiques et probablement abandonner toutes les perspectives de transformation structurelle du continent.

En outre, l’élimination des tarifs dans le cadre des APE présente, maintenant ou dans l’avenir, un risque de perte immense de revenus pour les pays africains. La libéralisation inhérente aux régimes de paiements extérieurs du continent exacerbera l’évasion fiscale massive et les flux financiers illicites qui font déjà saigner le continent depuis quelques décennies. Ces flux de capitaux sont plus élevés que le montant total de l’aide au développement que le continent reçoit et pourtant ils sont indispensables au renforcement de la capacité du continent à fournir des services publics, notamment l’éducation et les soins de santé de qualité.

Au regard de la Déclaration controversée de Nairobi issue de la dixième Conférence ministérielle de l’OMC (2015), où les pays les plus développés se sont montrés réticents à leurs engagements d’honorer et de réaffirmer le Programme de Doha pour le développement. Nous estimons que les pays d’Afrique doivent privilégier l’intégration économique africaine. L’intégration régionale demeure l’instrument le plus viable pour la transformation structurelle de l’Afrique. Les africains doivent s’opposer contre la pression de libéraliser le commerce au-delà des engagements pris dans le cadre de l’OMC, qui sont déjà injustes et biaisés. Le monde industrialisé, y compris l’Europe, a suffisamment démontré sa mauvaise foi de telle sorte qu’il est impossible de lui faire confiance car il est incapable d’appliquer les quelques platitudes insérées dans les APE.

Les APE constituent la dernière tentative de l’Europe de continuer à aggraver le sous-développement de l’Afrique. Les frustrations et les angoisses causées par les fonctionnaires de la Commission Européenne au cours de ces 15 dernières années de négociations, sans oublier leur volonté de retirer leur soutien aux gouvernements réticents, démontrent clairement qu’il y a d’autres intensions à part les points abordés ouvertement dans le cadre des APE. Le fait de recourir aux réunions et aux négociations secrètes fait penser à quelque chose de sinistre. Les tentatives de contourner le processus démocratique en évitant les parlements nationaux africains dans le processus de ratification, font preuve de mauvaises intentions. Il y a suffisamment de raisons techniques, politiques et historiques pour rejeter les APE. Les leaders africains doivent leur pouvoir aux africains ; ils ont donc l’obligation de rejeter cette dernière ruée !

Une action urgente est nécessaire pour avoir un programme africain de transformation structurelle qui met en première position le développement et la justice sociale. Des actions concertées et des politiques coordonnées pourraient aider l’Afrique à se défendre contre le changement climatique, à accroître sa base de revenu pour être en mesure de financer le socle de protection sociale et de garantir un accès universel à des services publics de qualité, à accélérer le passage de l’économie informelle à l’économie formelle, à créer des emplois décents et des moyens de subsistance décents, et à poursuivre, de manière globale, les objectifs du développement durable.

Fait à Lomé (Togo), le 8 juin 2016.

Kwasi Adu-Amankwah

Secrétaire Général

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