AFRICAN REGIONAL ORGANISATION OF THE
INTERNATIONAL TRADE UNION CONFEDERATION Creating a better world for workers in Africa and beyond

L’Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale (CSI-Afrique – www.ituc-africa.org) est profondément préoccupée par l’aggravation de la crise des violations des droits des travailleurs migrants africains en Arabie saoudite et dans les États du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Un rapport récent a révélé qu’au moins 274 travailleurs kenyans ont perdu la vie en Arabie Saoudite au cours des cinq dernières années, avec de nombreux autres cas non documentés impliquant des travailleurs ougandais, ghanéens et nigérians subissant des sorts similaires. Ces tragédies, qui touchent de manière disproportionnée les femmes africaines employées comme travailleuses domestiques, révèlent un système profondément enraciné d’exploitation, d’abus et d’impunité. Il est impératif d’agir de manière urgente et décisive pour mettre fin à cette situation.

Imaginez le nombre croissant de décès parmi ceux qui sont partis en Arabie saoudite dans l’espoir de trouver un travail décent et une vie meilleure, et non en tant que mercenaires recrutés pour un conflit civil. C’est à la fois incompréhensible et inacceptable. Le retour tragique des Africains dans des cercueils, laissant des centaines de familles en deuil, doit cesser.

Témoignages choquants et violations massives des droits humains

Les témoignages des rapatriés dressent un tableau effroyable : salaires impayés, détention arbitraire, travail forcé, violences physiques, privation alimentaire, agressions sexuelles et violences psychologiques. Plus terrifiant encore, ces Africains qui rentrent chez eux dans des cercueils, avec des rapports d’autopsie révélant des signes indéniables de torture – brûlures, décharges électriques, fractures – et dont les décès sont pourtant faussement classés comme des « causes naturelles ».

Les travailleurs africains ne devraient pas payer un prix aussi terrible pour avoir cherché de meilleures opportunités économiques. La marchandisation de la main-d’œuvre africaine, où des agences de recrutement politiquement connectées et des courtiers en travail privilégient le profit au détriment des vies humaines, a engendré un système moderne de servitude sous contrat. Bien que de nombreux gouvernements africains aient signé des accords bilatéraux sur la migration de main-d’œuvre avec les États du Conseil de coopération du Golfe (CCG), ces accords ont échoué à garantir la sécurité et la dignité de leurs citoyens. Au contraire, ils ont facilité l’exportation continue de travailleurs vulnérables vers des environnements marqués par les abus, où la responsabilité fait presque totalement défaut.

Nous sommes profondément préoccupés par le fait que les abus, l’exploitation et les décès des travailleurs migrants africains puissent se poursuivre en Arabie saoudite alors que le Royaume se prépare à accueillir la Coupe du monde de la FIFA 2034 et à mettre en œuvre son plan de modernisation, des projets qui nécessiteront un grand nombre de travailleurs migrants. Nous constatons déjà une augmentation du nombre d’accords bilatéraux sur la migration de main-d’œuvre que l’Arabie Saoudite signe avec les gouvernements africains. Nous nous inquiétons du fait que ces accords ne garantissent pas une protection suffisante des droits des travailleurs, qu’ils ne comprennent pas de mécanismes de suivi adéquats et qu’ils soient largement influencés par des intérêts du côté de l’offre. Les décès de travailleurs migrants africains doivent cesser.

Appel urgent à l’action et à la responsabilité :

La CSI-Afrique demande à l’Arabie saoudite et à tous les États du CCG d’assumer pleinement leur responsabilité en protégeant tous les travailleurs migrants sur leur sol, en garantissant des conditions de travail sûres, un traitement équitable et la justice pour ceux qui ont été victimes d’abus. Il est temps de mettre fin aux dissimulations et à l’impunité. Il est grand temps que les responsables de l’exploitation et des décès des travailleurs africains répondent de leurs actes, en Arabie saoudite comme partout ailleurs.

De plus, les gouvernements africains doivent mettre fin à leur complicité dans cette crise. De simples déclarations de préoccupation ne suffisent pas – nous leur demandons de :
 renégocier ou annuler les accords de travail assimilables à de l’exploitation et ne garantissant pas la protection de leurs citoyens ;
 fournir aux travailleurs migrants potentiels des informations, de la formation et des sensibilisations sur la manière d’assurer leur sécurité et de demander de l’aide en cas de difficultés ou de situations menaçant leur vie ; des lignes téléphoniques gratuites devraient être mises à disposition, tant au point de départ que dans les pays de destination ou les pays hôtes.
 mettre en place des réglementations plus strictes pour les agences de recrutement afin de prévenir la traite des êtres humains et l’exploitation par le travail.
 offrir un soutien juridique, consulaire, en relations industrielles et diplomatiques à leurs citoyens victimes d’abus à l’étranger.
 renforcer les partenariats avec les syndicats et améliorer les mécanismes de protection des travailleurs afin de surveiller, signaler et prévenir d’autres violations.

La CSI-Afrique réaffirme son engagement indéfectible à mettre fin aux abus, à l’exploitation et aux décès des travailleurs migrants africains. Nous mobiliserons nos réseaux, engagerons les décideurs politiques et exigerons des comptes de tous les acteurs impliqués dans ce cycle mortel d’exploitation. Nous menons actuellement notre campagne pour inciter l’Arabie saoudite à mettre en œuvre des réformes inclusives, collaboratives et authentiques dans la gouvernance de la migration de main-d’œuvre, tant sur le plan législatif que pratique. Nous ne céderons pas à la lassitude et ne ménagerons aucun effort tant que nous n’aurons pas obtenu un véritable et durable respect de la vie des Noirs en Arabie Saoudite. La vie des Noirs compte !

La vie des Noirs compte. La vie des Africains compte. La dignité, la sécurité et les droits des travailleurs africains doivent être protégés où qu’ils se trouvent dans le monde.

Akhator Joel Afolabi Odigie
Secrétaire général
CSI-Afrique
Publié par la CSI-Afrique, le 30 mars 2025