Déjà en proie à l’insécurité liée aux attaques terroristes depuis 2012, le Mali a été déstabilisé davantage par la crise sanitaire du COVID-19. Depuis le 25 mars 2020, date à laquelle les deux premiers cas (deux Maliens rentrés de France à la mi-mars) du coronavirus ont été confirmés, les chiffres ont continué d’augmenter régulièrement.
Au 16 mai 2020, il y avait 806 cas confirmés avec 46 décès et 455 guérisons.
Mesures stratégiques du gouvernement à la pandémie
Avant même l’apparition de cas confirmés de COVID-19 au Mali, le gouvernement a constitué un Conseil de défense présidé par le Président de la République pour répondre à la menace de la pandémie. Le 11 mars 2020, le pays a été mis en état d’alerte élevé par l’annonce d’un certain nombre de mesures de restriction énumérées ci-dessous. Une fois les deux premiers cas enregistrés, les mesures ont été renforcées avec un couvre-feu de 21h à 5h le 26 mars 2020 et la fermeture de tous les établissements d’enseignement. Des mesures ont également été annoncées pour atténuer l’impact des restrictions sur l’économie et les moyens de subsistance.
Mesures restrictives
1. Tous les voyageurs qui se présenteraient au Mali recevraient aux portes d’entrées (aériennes et terrestres) une prise de température systématique, ainsi que les recommandations du gouvernement relatives : (i) aux mesures barrières communes (lavage des mains avec de l’eau et du savon, utilisation de gel hydro alcoolique, respect de la distance sociale de 1 mètre ; port du masque ; (ii) aux mesures d’auto isolement, (iii) la mise à disposition des populations d’un numéro vert (36061) pour toutes fins utiles ;
2. Les voyageurs en provenance de pays gravement touchés par le COVID-19 présentant un symptôme de fièvre (température supérieure à 37,5 degrés Celsius) mais aucun signe de difficulté respiratoire ne seront dirigés vers l’auto-isolement pendant 14 jours et feront l’objet d’une surveillance quotidienne par une équipe médicale.
3. Les voyageurs, en provenance de pays fortement touchés par le Covid-19, présentant des symptômes majeurs telle la fièvre (température supérieure à 37,5 degrés Celsius) et d’autres signes et symptômes respiratoires, seront admis dans l’un des sites d’isolement créés à cet effet pour être testé et au besoin être pris en charge.
4. Réduction à un maximum de 50 personnes pour les rassemblements publics et sociaux et respect de la distance sociale lors des événements sociaux tels baptêmes, funérailles, mariages etc.
5. Suspension de la participation des cadres maliens dans les grandes réunions ou fora dans les pays fortement touchés ;
6. Suspension de la tenue des regroupements importants au Mali (Conférences, colloques, symposiums, festivals, etc.) jusqu’à nouvel ordre ;
7. Renforcement des mesures d’hygiène individuelle et collective (lavage des mains au savon, utilisation du gel hydro alcoolique devant tous les services publics, les entreprises du secteur privé et les lieux de cultes) ;
8. Interdiction de se serrer les mains et de faire des accolades en tous lieux et en toutes circonstances et désinfection du grand marché de Bamako et des gares routières pour atténuer les risques de propagation du virus ;
9. S’agissant de la prise en charge des malades, les personnes testées positives au COVID-19 sont prises en charges dans les sites retenus par le Ministère de la Santé et des Affaires Sociales ;
10. Compte tenu de la présence d’un grand nombre de forces étrangères, une coordination étroite est indispensable avec les ambassades, la mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), l’opération Barkhane, la Mission de Formation de l’Union Européenne, et les Organisations Internationales, pour la prévention et la prise en charge des cas.
Mesures socioéconomiques
Dans son troisième message à la nation sur le COVID-19 le 10 avril 2020, le Président du Mali a annoncé un certain nombre de mesures socio-économiques, notamment :
– Dotation d’un budget de 500 milliards de FCFA (environ 825 millions USD) comme fonds de soutien à l’économie nationale et aux ménages les plus vulnérables
– Les ménages les plus vulnérables bénéficieront d’un fonds particulier de 100 milliards de FCFA (165 millions USD) et d’une distribution de 56 mille tonnes de céréales.
– Prise en charge des factures d’eau et d’électricité pendant deux mois (avril et mai 2020), pour les personnes appartenant aux groupes sociaux les plus vulnérables.
– Les importateurs bénéficieront d’un allègement des taxes douanières sur les produits de première nécessité.
– S’agissant du ralentissement de l’activité économique et du déficit qui en résulte, notamment dans le secteur privé, 20 milliards de francs CFA (33 millions USD) seraient mobilisés auprès des banques pour les soutenir.
Les membres du gouvernement se sont engagés à renoncer à leurs salaires en tant que contribution aux fonds nationaux de lutte contre le COVID-19 - 3 mois pour le Président, 2 mois pour le Premier Ministre et 1 mois pour les Ministres.
Il est à noter que le Fonds monétaire international (FMI) a approuvé le décaissement de 120 milliards FCFA (environ 198 millions USD) en faveur du Mali au titre de la facilité de crédit rapide pour aider le pays à répondre aux besoins de financement urgents résultant de la crise créée par la pandémie de covid19. Ce décaissement devait aider à soutenir les dépenses de santé urgentes et le soutien annoncé aux entreprises et aux ménages touchés.
Dans le cadre de la coopération bilatérale entre le Mali et les Emirats Arabes Unis, le gouvernement malien a reçu le 10 mai 2020, un grand lot de matériel sanitaire comme soutien solidaire dans la lutte contre le COVID-19. Estimé à environ 10 tonnes d’équipements sanitaires, ce don émirati se compose de 300 000 gants, 32 000 couvre-chaussures, 20 000 masques chirurgicaux, 6 000 hydrogels, 3 600 lingettes et 5 000 kits de test pour le COVID-19.
Actions des syndicats
Les syndicats ont été très actifs dans la conduite de campagnes de sensibilisation auprès de leurs membres pour garantir le respect des mesures d’hygiène et de prévention prises par les autorités contre la maladie. Ils peuvent renforcer ce travail de sensibilisation et le lier à la campagne pour l’amélioration de la santé publique en s’adressant aux artistes, aux organisations de jeunesse et aux ONG qui ont également été actifs dans la lutte contre le COVID-19.
Les quatre (4) centrales syndicales nationales au Mali, Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), Confédération syndicale des travailleurs du Mali (CSTM), Union démocratique des travailleurs du Mali (CDTM) et Confédération malienne du travail (CMT) sont représentées dans une commission tripartite spéciale mise en place par le ministère du dialogue social, du travail et de la fonction publique dans le cadre de la riposte nationale contre le COVID-19. Cette commission créée le 23 avril 2020, était chargée notamment de : (i) Recueillir et analyser les informations sur la situation des secteurs d’activités particulièrement impactés par l’épidémie de corona virus ; (ii) Procéder à la collecte et à l’analyse des données statistiques sur la situation des emplois (nombre de salariés mis en chômage technique par secteur d’activité, licenciements pour motifs économiques opérés, etc.) ; (iii) Evaluer l’efficacité des mesures suite à la pandémie sur les conditions de travail et le fonctionnement des entreprises ; (iv) Assurer une veille opérationnelle pour la gestion courante des alertes venant des entreprises ou des organisations syndicales de travailleurs ; (v) Proposer des mesures de prévention et de gestion au Gouvernement, aux employeurs et aux travailleurs (réformes législatives et réglementaires, mesures sociales, et autres appuis destinés à limiter les conséquences de l’épidémie, et /ou faciliter la reprise de l’activité économique) ; (vi) Faire un compte-rendu régulier de ses travaux au ministre en charge du Travail et de la Fonction Publique.
La mise en place de cette commission est une opportunité pour les syndicats maliens de mesurer l’impact de la pandémie sur les travailleurs et le monde du travail afin d’apporter leur contribution au bien-être des travailleurs ainsi qu’aux efforts de relance après la pandémie.
Le ralentissement de l’activité économique occasionné par la crise de la crise Covid-19 a entraîné la suspension des contrats de travail et des licenciements techniques dans un certain nombre d’entreprises, notamment privées. Il s’agit là d’une question importante que les syndicats devraient soulever afin que davantage d’efforts puissent être consentis pour fournir un soutien aux travailleurs dont les moyens de subsistance sont menacés.
Conclusion
Le 8 mai 2020, le gouvernement a levé le couvre-feu imposé au pays au début de la crise. Les écoles devraient rouvrir le 2 juin 2020. Cela indique que les lourdes restrictions qui ont été initialement instituées pour contenir le virus et empêcher sa propagation rapide sont assouplies. Ce qui n’est pas clair, cependant, c’est la nouvelle norme que le Mali ou tout autre pays africain peut assumer, en particulier avec la présence continue du coronavirus à l’intérieur des frontières nationales et l’absence de remède ou de vaccin certifié pour le COVID-19.
Ce qui semble évident, c’est que les gouvernements et les populations se préparent à poursuivre leurs activités économiques et leurs moyens de subsistance parallèlement à la lutte contre le coronavirus. Cette nouvelle situation exige de tous, y compris des syndicats, une plus grande résilience, innovation et détermination si nous voulons y faire face avec succès. Nos syndicats doivent voir une plus grande valeur à unir leurs efforts pour leur permettre de donner une plus grande voix et une meilleure représentation aux travailleurs afin de garantir leur emploi, leur sécurité et leur protection sociale pendant cette période de crise.
En outre, les syndicats doivent également unir leurs efforts pour s’assurer qu’ils peuvent élaborer des positions et des plans communs qui peuvent alimenter les efforts nationaux de relèvement et de développement durable pour sortir de la crise. Les syndicats sont mis au défi de se réinventer pour rester pertinents pour garantir les droits et les intérêts des travailleurs à l’avenir.