L’Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale (CSI-Afrique) est profondément choquée et consternée par la tragédie qui se déroule à la mine de Stilfontein en Afrique du Sud, où des dizaines de mineurs illégaux ont perdu la vie dans ce que les groupes de défense des droits de l’homme ont décrit comme un massacre. Nous condamnons sans équivoque les actions et l’inaction des autorités sud-africaines qui ont conduit à cette perte de vies humaines évitable.
Des rapports indiquent que des mineurs, dont beaucoup étaient des migrants sans papiers venus de pays voisins, ont été abandonnés à leurs souffrances et à leur mort sous terre après que les autorités leur ont coupé l’accès aux ressources essentielles en nourriture et en eau sous couvert d’une opération de répression pour « les enfumer ». La CSI-Afrique souhaite tirer plusieurs conclusions de cet événement et exiger que des mesures réfléchies et approfondies soient envisagées et prises pour éviter que cela ne se reproduise.
Premièrement, nous considérons comme sacrée la responsabilité du gouvernement de préserver des vies, qui est inscrite dans la Constitution sud-africaine. Dans ce cas, le gouvernement n’a pas rempli son devoir et son mandat de protection, quelles que soient les circonstances et les personnes impliquées. Le recours délibéré à la famine comme arme contre ces travailleurs vulnérables constitue une violation flagrante de leurs droits fondamentaux et des principes de dignité humaine et de décence. Lorsque l’on prétend que les mineurs illégaux ont refusé de sortir des mines par crainte d’être arrêtés et poursuivis, le recours à la famine comme arme pour les « enfumer » s’apparente à l’analogie du gouvernement qui croise les bras pour permettre à des gens de se suicider alors qu’il sait que ces personnes tentent de se suicider, ce qui est également connu de la population comme un délit pénal. Le gouvernement dispose de moyens différents et efficaces pour faire respecter la loi et l’ordre. Le recours à la famine dans ce cas est indésirable et condamnable.
Deuxièmement, les conditions de chômage, de pauvreté et de faim sont à la base du désespoir de millions de familles pauvres, qui sont les principales responsables des mesures désespérées prises pour se lancer dans l’exploitation minière illégale. Le gouvernement doit non seulement trouver des moyens imaginatifs et pragmatiques pour remédier à la négligence systémique des travailleurs marginalisés, mais aussi chercher des moyens de s’attaquer aux causes profondes de l’exploitation minière illégale. En effet, le droit aux soins, à la protection et au travail réglementé pour les travailleurs précaires, y compris les travailleurs migrants, est étroitement lié à l’urgence d’un travail décent pour tous. Par conséquent, nous appelons le gouvernement sud-africain et les autres gouvernements africains à rechercher consciemment et en permanence des moyens collaboratifs et durables pour créer des emplois décents et étendre les mesures de protection sociale.
Troisièmement, nous notons que l’économie Zama-Zama (initiatives de débrouillardise) est née de l’économie de migration de main-d’œuvre du colonialisme de l’apartheid qui a détruit les moyens de subsistance de millions d’Africains et les a forcés à travailler dans les mines. Ces mineurs sont souvent victimes de la pauvreté, de l’exploitation et de pratiques de travail dangereuses et abusives aux mains des syndicats du crime et des sociétés minières. Nous savons que les sociétés minières ferment leurs opérations officielles et laissent tacitement la voie aux travailleurs licenciés pour qu’ils se débrouillent dans les anciennes zones minières avec le projet de contraindre de force les mineurs à vendre les métaux précieux aux syndicats contrôlés par les méga-industries minières. Cela oblige les travailleurs à débrouiller sans conditions de santé et de sécurité, sans sécurité d’emploi et sans salaire, mais dépendent de ce qu’ils extraient et vendent aux cartels riches pour de maigres bénéfices mais d’énormes risques.
La CSI-Afrique exige une action immédiate et une reddition de comptes. Plus précisément :
1. Une enquête complète et transparente : Nous demandons une enquête indépendante sur les événements de Stilfontein, y compris sur les actions des forces de l’ordre, le retard du gouvernement dans les efforts de sauvetage et le rôle des sociétés minières comme Buffelsfontein Gold Mine dans la sécurisation des sites abandonnés.
2. Justice pour les victimes : les familles des mineurs décédés et secourus méritent que justice soit rendue. Le gouvernement sud-africain doit faire en sorte que les responsables de cette catastrophe humanitaire rendent des comptes et verser une indemnisation adéquate aux familles des victimes.
3. Lutter contre les inégalités systémiques : Le gouvernement doit s’attaquer d’urgence aux conditions socioéconomiques qui poussent les individus à se lancer dans des activités minières dangereuses et illégales, notamment la pauvreté, le chômage et le manque d’accès à un travail décent.
4. Protection des travailleurs migrants : les migrants et les travailleurs sans papiers, qui comptent parmi les plus vulnérables, ne doivent pas être davantage déshumanisés. Nous exhortons le gouvernement sud-africain à respecter ses obligations en vertu des normes internationales relatives aux droits de l’homme et au travail, notamment en garantissant protection et dignité à tous les travailleurs, quel que soit leur statut d’immigration.
5. Collaboration avec les syndicats, la société civile, les autorités frontalières, les régions et les communautés : les voix des travailleurs, des syndicats et des organisations de la société civile doivent être au cœur des réponses à apporter pour prévenir de futures tragédies et assurer une stabilité critique. Des efforts collaboratifs sont nécessaires pour garantir des réglementations du marché du travail protégées qui favorisent des moyens de subsistance sûrs, dignes et durables pour tous les travailleurs.
Cette tragédie doit marquer un tournant. Nous ne pouvons pas permettre que la vie de ces mineurs soit perdue en vain. La CSI-Afrique réitère son engagement à défendre les droits et la dignité de tous les travailleurs africains, quel que soit leur statut.
Publié à Lomé, le 30 janvier 2025
Akhator Joel Odigie
Secrétaire Général, CSI-Afrique