Communiqué de presse : Renforcement de la participation des syndicats pour relever les défis de la dette souveraine en Afrique

Mots Clés : FLUX FINANCIERS ILLICITES - « ARRETER L’HEMORRAGIE » Transformation Structurelle pour le Développement de l’Afrique Communique

Dakar, Sénégal – 29 août 2023
Nous, représentants de syndicats de toute l’Afrique, réunis à Dakar, au Sénégal, dans le cadre d’un atelier continental historique sur la dette souveraine, organisé conjointement par la Confédération syndicale internationale (CSI), la Fondation Friedrich Ebert (FES) et l’Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale (CSI- Afrique). Cet atelier constitue une plateforme importante pour favoriser la collaboration, le partage des connaissances et la planification stratégique afin de relever les défis pressants de la dette souveraine sur notre continent, en particulier la manière dont la dette impacte négativement les travailleurs, leurs familles, leurs communautés et leurs économies.

Les participants à la réunion notent avec préoccupation que si le fardeau actuel de la dette du continent n’est pas stoppé et inversé, les aspirations de développement de l’Afrique, telles qu’elles sont exprimées dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine, et la volonté d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) ne seront pas réalisées.

Les travailleurs africains sont conscients et préoccupés par le fait que la pandémie de COVID-19 a exacerbé la crise de la dette africaine et contribué à son impact sur la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales. La guerre en cours en Ukraine n’a fait u’qaccentuer ces défis. Nous sommes également préoccupés par le fait que le profil de la dette de l’Afrique, en particulier à l’égard des créanciers privés, a augmenté de manière astronomique au cours des dernières années, ce qui soulève de sérieuses questions quant à l’efficacité, la transparence et la responsabilité en matière d’endettement.

Nous affirmons que les effets du surendettement et ses répercussions n’ont pas épargné les travailleuses et travailleurs africains. Les pays qui se sont retrouvés en défaut de paiement ont été plongés dans des crises économiques très douloureuses. Plusieurs gouvernements africains ont cherché à éviter de se retrouver en défaut de paiement uniquement en adoptant des mesures d’austérité impopulaires, sévères et répressives. Ces mesures d’austérité ne font qu’aggraver la pauvreté et les inégalités, en renforçant la pauvreté intergénérationnelle et la pauvreté des femmes. L’aggravation de la pauvreté oblige également nos populations, en particulier celles qui n’ont pas les moyens de s’offrir des sources d’énergie décentes, à s’engager dans des pratiques qui exacerbent le changement climatique, notamment l’abattage d’arbres (déforestation) pour obtenir du combustible et les migrations forcées pour survivre.

De même, plusieurs gouvernements africains continuent d’allouer des montants insondables de ressources publiques au service de la dette. Ces dispositions ont réduit l’accès aux services publics, aux systèmes de protection et de sécurité sociales. Pire encore, nous nous rendons compte que la gestion de la crise de la dette par nos gouvernements entraîne un gel des salaires face à une inflation plus élevée, une hausse des prix des carburants due à la suppression des subventions, ainsi qu’un rétrécissement du champ d’action et de la capacité à élargir l’assiette fiscale.

Il est tout aussi inquiétant de constater que les accords et les processus relatifs à la dette en Afrique restent opaques, excluant et décourageant la participation des acteurs non étatiques. Nous avons également observé que la politique de la dette et de l’endettement l’emporte sur la diplomatie, renforce la dépendance et accentue l’asymétrie du pouvoir au détriment des Africains.

Malgré ces sérieux défis, y compris les injustices historiques causées par l’esclavage et le colonialisme, nous voulons réaffirmer notre détermination à ne jamais nous lamenter, mais à renouveler notre engagement à l’action collective pour utiliser la force de nos organisations syndicales afin de défendre et de promouvoir des solutions justes et équitables à l’actuelle crise de la dette africaine. Ces solutions devraient donner la priorité au bien-être des travailleurs, de leurs familles, de leurs communautés et de leurs économies.

Par conséquent, nous avons résolu de
1. Redoubler d’efforts pour trouver des solutions à la crise actuelle de la dette en Afrique et dans le monde entier, notamment en renforçant nos appels à la communauté internationale pour qu’elle accorde rapidement un allègement suffisant de la dette aux pays confrontés à un endettement insoutenable et pour qu’elle procède à une réforme globale de l’architecture internationale de la dette afin d’éviter que le cycle des crises de la dette ne se reproduise à l’avenir.

2. Nous continuerons à promouvoir la mise en œuvre des exigences du nouveau contrat social du mouvement syndical international, notamment la transition juste, la création d’emplois (renforcement des capacités et alphabétisation numérique), les droits au travail, la protection sociale, le dialogue social et l’autonomisation des femmes, qui, s’ils sont effectivement mis en œuvre, contribueront à combler les déficits de développement social, économique, politique et environnemental engendrés par les pratiques néolibérales.

3. Poursuivre notre résistance aux mesures d’austérité sévères imposées en réponse aux crises de la dette dans toute l’Afrique, notamment le gel des salaires et des embauches, l’érosion des filets de protection sociale, le retrait des subventions, les réformes des retraites, les réformes de la flexibilité du travail, la réduction du financement des services publics, y compris la santé et l’éducation, l’augmentation de la fiscalité régressive, la privatisation et le recours accru aux partenariats public- privé (PPP), et promouvoir au contraire des alternatives qui protègent les droits des travailleurs et donnent la priorité à une reprise fondée sur l’emploi et les salaires dans les pays frappés par la crise.

4. Utiliser la recherche, la formation (renforcement des capacités) et l’analyse pour approfondir notre plaidoyer en faveur de contrats et d’une gestion de la dette inclusifs, réactifs, responsables et efficaces qui conviennent à tous. Plaider en faveur de la transparence et de la responsabilité des gouvernements et des créanciers.

5. Nous allons lier notre campagne sur les flux financiers illicites (justice fiscale - paiement d’une part équitable des impôts et régimes fiscaux progressifs) à la dette, dans le cadre de notre détermination à continuer à contribuer à l’espace fiscal et à le sécuriser pour faire avancer nos objectifs de développement.

6. Nous allons continuer à interpeller les institutions locales, nationales, continentales et internationales de financement du développement, notamment les banques centrales nationales, la Banque africaine de développement (BAD), le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, sur les politiques d’endettement qui façonnent les règles et faussent l’asymétrie du pouvoir au détriment des pays en développement, ainsi que sur l’intensification des mesures d’austérité qui continuent à avoir un impact négatif sur les droits des travailleurs, à réduire les espaces pour les libertés civiles et à menacer l’environnement. Nous appelons ces institutions à répondre et à engager un dialogue constructif avec les syndicats à travers l’Afrique en vue de favoriser des réponses à la crise de la dette qui soient durables et centrées sur le peuple.

7. Examiner sérieusement et approfondir une position syndicale africaine commune sur la manière pratique, sûre, sécurisée et efficace dont les fonds de pension peuvent compléter le financement national pour le développement de l’infrastructure économique.

8. Nous allons continuer à créer des synergies, des collaborations et des partenariats avec des organisations de la société civile (OSC) progressistes africaines en vue de favoriser des alternatives pragmatiques à la crise de la dette africaine. Dans le même ordre d’idées, nous allons continuer à explorer et à utiliser les engagements de solidarité avec nos collègues syndicalistes et les organisations de la société civile dans le Nord global pour garantir une approche de la gestion de la dette centrée sur le peuple.

9. Nous réaffirmons notre engagement en faveur d’une campagne continentale sur la dette souveraine, qui sera lancée en marge du 5ème Congrès de la CSI-Afrique à Nairobi, Kenya, en novembre 2023.

10.Cette réunion a contribué à la création d’un réseau syndical africain pour la transformation économique et industrielle, qui fera progresser de manière systématique et cohérente l’agenda du mouvement syndical africain en matière de commerce et d’investissement, d’industrialisation, de dette et de flux financiers illicites (administration fiscale équitable et progressive) et d’autres moyens de financement du développement. Ce réseau sera l’interface de notre engagement avec les entités cibles identifiées pour remédier aux diverses injustices fiscales et économiques aux niveaux national, continental et international.

Nous tenons à exprimer notre gratitude au bureau de coopération FES AU, à Addis-Abeba, pour le soutien qu’il a apporté à l’organisation de cette réunion.

Publié à Dakar, Sénégal, le 29 août 2023.
Kwasi Adu-Amankwah
Secrétaire Général, CSI-Afrique

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