Situé au cœur du Sahel, le Niger possède une économie peu diversifiée, essentiellement dépendante de l’agriculture (40 % du PIB). Malgré les grands progrès réalisés par le Niger au cours de la dernière décennie pour réduire son taux de pauvreté, le niveau d’extrême pauvreté reste très élevé à 41,4 % en 2019, touchant plus de 9,5 millions de personnes. Le Niger vit déjà une crise avec la situation sécuritaire de plus en plus détériorée, en particulier dans les zones frontalières avec le Nigéria, le Burkina Faso et le Mali, où des groupes armés ont établi des bases et perpétuent des attaques répétées contre les forces de sécurité et les civils.
La crise sanitaire des coronavirus est venue aggraver la situation déjà précaire de la population nigérienne. Depuis le premier cas confirmé de COVID-19 le 19 mars 2020, le nombre enregistré de cas confirmés au 16 mai 2020 était de 885 avec 51 décès et 684 guérisons. Le ministre de l’Emploi, du Travail et de la Protection sociale du pays aurait été l’une des victimes de la pandémie de COVID-19 le 3 mai 2020.
Réponse du gouvernement du Niger au COVID-19
Le gouvernement du Niger a pris une série de mesures en réponse à la menace et à l’arrivée de COVID-19 dans le pays. Les mesures peuvent être répertoriées sous sécuritaires et sanitaires, opérationnelles ainsi qu’économiques et sociales.
Mesures sécuritaires et sanitaires :
• Proclamation de l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national.
• Etablissement à Niamey, seule ville touchée par le virus, d’un couvre-feu à partir de 19h00 à 6 heures du matin et son isolement sanitaire du reste du pays.
• Fermeture des aéroports internationaux de Niamey et Zinder ainsi que de toutes les frontières terrestres.
• Consultation entre le gouvernement et les chefs religieux pour décider des mesures relatives à l’accès aux lieux de culte.
• Fermeture de tous les établissements d’enseignement.
• Fermeture de bars, discothèques, cinémas et autres lieux de divertissement.
• Interdiction de tout rassemblement de plus de 50 personnes.
• Mise en place de mesures d’hygiène obligatoires dans les marchés, magasins, restaurants, services publics et privés.
• Respect d’une distance d’au moins un mètre entre les personnes dans les supermarchés, restaurants, commerces et autres lieux publics
• Diagnostic et traitement gratuits de tout cas confirmé.
• Recherche active des cas suspects et renforcement des tests, notamment par la multiplication et l’aménagement des centres de tests.
Mesures opérationnelles
Elles concernent notamment :
• l’adoption d’un protocole de prise en charge couplé avec l’augmentation des capacités d’accueil hospitalier et de réanimation ;
• le renforcement de la protection du personnel de santé,
• l’augmentation des capacités de confinement des cas suspects
• le recrutement de 1500 agents de santé.
Il faut également signaler le réajustement des horaires de travail dans l’administration de 8h à 14h en continu du lundi au vendredi.
Mesures économiques et sociale
À ce niveau, les mesures suivantes ont été annoncées :
• Exonération de droits et taxes sur tous les produits entrant dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 (masques, gel hydro alcoolique etc.)
• Prolongation de 15 à 90 jours, sous réserve d’une garantie bancaire, du paiement des droits de douane après dédouanement des marchandises importées.
• Report de la date de paiement de la vignette pour les véhicules (certificat de route) du 31 mars à fin juin 2020.
• Suspension des contrôles fiscaux sur place pendant deux (2) mois à compter du 1er avril 2020.
• Exonération de la TVA sur le transport terrestre interurbain pendant toute la durée de la suspension de l’activité et report au 1er Mai au lieu du 31 Mars du paiement de l’impôt synthétique.
• S’agissant de l’hôtellerie : application d’un taux réduit de 10% en matière de TVA tel que prévu par les directives de l’UEMOA, application d’un taux d’amortissement de 5% au lieu de 2% et exonération de l’impôt minimum forfaitaire (IMF) au titre de l’exercice 2019.
• Suspension des poursuites en matière de recouvrement des impôts et taxes pendant trois (3) mois pour les agences de voyage et deux (2) mois pour les bars et débits de boisson de même que pour les entités des sports et loisirs ;
• Concertation avec les opérateurs économiques et au besoin encadrement des prix pour contenir l’inflation.
• Augmentation de 340 milliards de FCFA (près de 560 millions USD) du volume de liquidité injecté par la BCEAO chaque semaine sur le marché monétaire en faveur des banques pour le porter à 4750 milliards de FCFA (près de 8 milliards USD).
• Élargissement de l’accès au refinancement aux effets de 1700 entreprises supplémentaires.
Au plan social, on dénote les mesures suivantes :
• Prise en charge par l’État pour les mois d’Avril et Mai des factures d’électricité et d’eau pour les tranches sociales.
• Renforcement du plan de soutien annuel en faveur des personnes vulnérables : (distribution gratuite, vente à prix modéré, etc.)
• Remise gracieuse de peines en faveur de 1540 détenus pour des raisons humanitaires et pour désengorger les maisons d’arrêt.
Evalué initialement à 597 milliards de francs CFA (près de 1 milliard USD), le plan de riposte du Niger au Covid-19 est finalement estimé à plus de 1400 milliards de francs CFA (près de 2,3 milliards USD).
Signalons au passage le Niger en plus d’être parmi les 19 pays africains qui ont bénéficié de l’allège de dette du FMI, le pays a également bénéficié d’un fond de soutien d’urgence pour faire face à la pandémie. Ce don du FMI est estimé à environ 70 milliards de francs CFA (114 millions de dollars)
Rôle des syndicats
Les organisations syndicales au Niger ont, par le biais des médias sociaux et publics, contribué à sensibiliser le public au COVID-19 et aux mesures de lutte contre la propagation du virus proposées par les autorités sanitaires. Les syndicats ont également attiré l’attention sur les conditions de sécurité et de santé au travail après avoir visité certains lieux de travail et ont plaidé pour une meilleure sécurité au travail. Dans certains cas, les syndicats ont fait des dons d’équipements de protection individuelle et de désinfectants aux lieux de travail.
Il est toutefois inquiétant de constater que pendant cette période où tous les efforts doivent être déployés pour parvenir à une coopération entre les partenaires sociaux, la violation du droit des travailleurs à s’organiser et à s’exprimer a entraîné des tensions entre certains syndicats et les autorités nigériennes.
La fermeture des rangs entre les différents syndicats au Niger les placera dans une position plus forte pour plaider en faveur de la protection des travailleurs, dont la majorité est confrontée à une réelle menace des difficultés qui émergent de l’impact négatif du coronavirus. Les syndicats doivent travailler ensemble pour recueillir des informations systématiques sur l’impact de la crise sur les travailleurs. Si les syndicats assument une responsabilité particulière dans la collecte d’informations sur l’impact de la crise sur les travailleurs formels et informels, ils peuvent devenir plus forts en insistant pour contribuer aux mesures que le Niger doit adopter dans ses efforts pour sortir de la crise.