Trois perspectives pour comprendre l’agitation syndicale et les conflits de travail

Mots Clés : Bulletins d’Information Sensibilisation, Syndicalisation et Renforcement des Capacité des Travailleurs - Unité Syndicale

INTRO : De nombreux acteurs de nos sociétés ont des perceptions différentes des syndicats et des organisations de travailleurs, notamment en raison de leur modus operandi. Certains acteurs les voient d’un bon œil, d’autres sont indifférents, voire hostiles à leurs activités et à leur existence même. Cette attitude ou ce comportement à l’égard des syndicats s’explique par un certain nombre de raisons. Certains acteurs affirment que leur aversion pour les syndicats découle des comportements passés des militants syndicaux et parfois des syndicats eux-mêmes, ou de leurs relations troublées avec ces derniers, qui ont parfois été marquées par des agitations, voire des conflits. Une compréhension préalable des origines de ces conflits et de la nature des syndicats aurait pu aider cette catégorie d’acteurs à construire des relations plus harmonieuses et plus sympathiques, ce qui aurait pu contribuer à réduire l’intensité ou la fréquence de ces conflits.

Les syndicats et leurs origines
Les syndicats, selon Webb et Webb (1920), peuvent être définis comme " des associations permanentes de salariés organisées dans le but de maintenir ou d’améliorer leurs conditions de travail ". L’adhésion à la menace d’appeler à la grève ou d’y recourir en dernier ressort pour faire valoir ses revendications est une caractéristique importante du statut d’un syndicat. Il est généralement admis que les syndicats sont un produit de la fin du XVIIIe ou du début du XIXe siècle, période de la révolution industrielle qui a entraîné des changements dans l’organisation du travail en Europe. L’émergence et le développement des syndicats ont donc été caractérisés par des périodes de conflit et d’hostilité entre les propriétaires des moyens de production et les travailleurs sur des questions portant notamment sur les horaires de travail, les salaires, la sécurité sur le lieu de travail et le traitement inéquitable des travailleurs.

Pourquoi l’agitation et le conflit ?
Il y a de nombreuses théories ou de nombreux paradigmes pour expliquer les conflits. Dans le cadre de notre article, nous allons toutefois examiner trois perspectives à partir desquelles il est possible de comprendre ou d’expliquer l’agitation syndicale et les conflits de travail. Mais avant cela, il est important de comprendre ce que l’on entend par "conflit". Le conflit, selon l’United States Institute of Peace (USIP) (2023), est "un aspect inévitable de l’interaction humaine" qui se produit "lorsque deux ou plusieurs individus ou groupes poursuivent des objectifs mutuellement incompatibles". Le Collins dictionary (2023) définit l’agitation syndicale comme " une grogne sociale ou une insatisfaction manifestée par les travailleurs, souvent sous forme de grèves et parfois de conflits violents, etc. qui perturbe le fonctionnement normal de l’entreprise ". Ces définitions signifient qu’un individu ou un groupe en conflit avec un autre individu ou groupe peut être soit dans un état passif, où personne n’agit sur la cause du désaccord, soit dans un état actif, où une, deux ou toutes les parties prennent des mesures pour promouvoir une position privilégiée sur la question en litige.
Bien que les deux parties d’une relation de travail (employeur ou employé) puissent être à l’origine du problème qui crée une situation de conflit, ce sont souvent les employés qui ont la réputation de mener des actions revendicatives. Il s’agit d’une réaction à une situation qui se produit généralement parce que, dans une relation de travail, l’employeur est généralement en position de force et donc en mesure de dicter les règles. Le travailleur, relativement en position de faiblesse, peut donc réagir individuellement ou de concert avec d’autres, ce qui peut conduire à des agitations.

Quelques sources de conflits
Une école de pensée affirme que les circonstances de la naissance des syndicats ont façonné leurs activités depuis lors, c’est-à-dire leur association constante avec l’agitation et le conflit. En revanche, une autre école de pensée affirme que les intérêts des deux parties (employeurs et employés) sont fondamentalement inconciliables, et que c’est là la source des conflits de travail. Ce phénomène pourrait s’expliquer, d’une part, par la sensibilisation accrue des travailleurs à leurs droits et, par conséquent, par leur plus grande capacité à s’affirmer et, d’autre part, par l’augmentation possible des abus commis par les employeurs en raison de la nécessité de réduire les coûts et d’augmenter leurs marges bénéficiaires, qui ne cessent de s’amenuiser.

Trois perspectives pour comprendre l’agitation syndicale et les conflits de travail
Notre réflexion va porter sur les trois perspectives suivantes : le concept de privation relative, la théorie de la cupidité et des griefs, et la théorie de la frustration et de l’agression. Nous allons voir ce qu’ils signifient et discuter brièvement de leur applicabilité à l’aide de quelques exemples pratiques.

Théorie de privation relative
La théorie de la privation relative est associée à Samuel Stouffer, bien que plus tard des chercheurs tels que Robert Merton et Walter Runciman l’aient développée. La privation relative, selon l’American Psychological Association (APA), "est la perception d’un individu, selon laquelle un nombre donné de ressources désirables (par exemple, l’argent, le statut social) en sa possession est inférieur à une certaine norme comparative". Cette norme peut être un nombre donné de ressources escomptées ou un nombre donné de ressources possédées par d’autres personnes avec lesquelles la personne se compare".
Nous allons utiliser deux situations pratiques pour illustrer ce concept. La première situation concerne une conférence de travailleurs organisée dans une localité centrale et nodale d’un pays. Les participants, à la fin de la conférence, se sont fait rembourser leurs frais de voyage, calculés sur la base des tarifs connus des transports en commun pour l’aller et le retour. Dans un premier temps, tout le monde était satisfait des remboursements reçus. Cependant, lorsqu’un groupe de participants d’une région a pris connaissance du montant reçu par un autre groupe de participants d’une autre région, ils ont commencé à exprimer leur mécontentement à l’égard du montant qui leur avait été versé. Leur mécontentement et leur agitation s’expliquent par le fait que, selon leurs propres estimations des distances parcourues par l’autre groupe par rapport aux leurs, ils méritaient beaucoup plus que ce qui leur avait été donné au départ.
La deuxième situation concerne un phénomène constant dans la plupart des organisations du secteur public dans le monde. Sur le plan de l’administration des rémunérations, il convient de veiller à ce que les niveaux de rémunération soient harmonisés entre les différentes organisations du secteur public, afin de garantir un bon degré d’équité lorsque les employés sont rémunérés de la même manière pour un travail de valeur égale. Toutefois, en raison de la situation financière et des priorités des différentes organisations du secteur public, entre autres facteurs, il existe généralement des différences dans les niveaux de rémunération des employés d’une organisation à l’autre qui peuvent exercer la même fonction au sein du secteur public. Cette situation a entraîné de nombreux conflits du travail, des grognes et des agitations, généralement dirigés contre les employeurs (les pouvoirs publics). Elle a également contribué à des taux de rotation du personnel plus élevés dans certaines organisations du secteur public par rapport à leurs pairs. La source de ces conflits et de ces agitations est à nouveau attribuée à la différence de rémunération par rapport à d’autres organisations, et non au fait que ces organisations sont en soi tout à fait mauvaises.

Théorie de la cupidité et des griefs
Paul Collier et Anke Hoeffler (2002) ont proposé la théorie de la cupidité et des griefs pour expliquer les conflits de la fin du 20e siècle. Selon eux, les conflits sont alimentés par la cupidité des uns et les griefs (ressentiments) des autres. La cupidité renvoie à des motivations opportunistes et souvent économiquement avantageuses, tandis que les griefs désignent les mauvais sentiments ou les réserves à l’égard d’une situation, souvent entretenus par des personnes en position d’autorité.
Il y a, dans la plupart des organisations, une différence de niveau de rémunération entre le personnel de direction et les employés. Bien qu’il n’existe pas de norme universellement reconnue pour déterminer cette différence, il y a toujours eu des situations de conflit où les employés ont l’impression que " les plus hauts placés " sont trop cupides en ce qui concerne leur salaire et leurs conditions de travail. Une telle situation comporte également un certain facteur de relativité autodéterminé, qui est utilisé par les travailleurs pour tirer des conclusions sur la cupidité des employeurs ou du personnel de direction. La perception des travailleurs, selon laquelle le personnel de direction ou les employeurs sont cupides, a donné lieu à des griefs de la part des travailleurs, entraînant parfois des agitations et des conflits dans de nombreuses situations de travail. Le deuxième volet de cette théorie, les griefs, peut également dégénérer en conflit et en agitation si les employés sont confrontés à des problèmes répétés qui ne sont généralement pas résolus.

Théorie de la frustration et de l’agression
Au départ, l’hypothèse de la frustration et de l’agression de Dollard, Doob, Miller, Mowrer et Sears (1939) stipulait que "l’apparition d’un comportement agressif présuppose toujours la présence d’une frustration, d’une part, et, d’autre part, que la présence d’une frustration conduit toujours à une forme d’agression". La frustration est une réaction émotionnelle qui se produit généralement chez les individus lorsque certains objectifs et certaines attentes ne sont pas satisfaits. Ces objectifs ou attentes peuvent concerner des questions liées au travail, notamment les niveaux de rémunération, les conditions de travail, et les promotions. Une personne frustrée peut se défouler, passivement ou activement, sur la source de sa frustration ou sur une autre cible. Ce défoulement peut se traduire par des comportements agressifs, notamment par des actions revendicatives et des conflits au travail.

Conclusion
Même si les conflits font naturellement partie de toute relation humaine, il existe plusieurs raisons pour lesquelles une relation harmonieuse entre l’employeur et le travailleur peut dégénérer en conflit et en actions revendicatives. Nous avons tenté, dans cet article, de présenter trois perspectives ou contextes permettant de mieux comprendre les causes des agitations sociales et des conflits du travail, et ce afin de d’améliorer, au plans des politiques, les réponses visant à réduire la fréquence et l’intensité de ces phénomènes.

Par le camarade John Doe, militant pour les droits du travail et la démocratie et observateur international

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