Le Zimbabwe traverse une crise politique et économique depuis plus de dix ans. La politique au Zimbabwe pendant cette période a été turbulente et caractérisée par l’autoritarisme et les violations des droits, tandis que l’économie du pays a souffert de plusieurs maux, y compris la fuite des capitaux, la faible productivité, de graves pénuries de biens de consommation, le contrôle des prix, la crise des devises et des liquidités. Par conséquent, le COVID-19 est apparu dans une situation politique et économique déjà fragile.
Le premier cas de coronavirus au Zimbabwe a été annoncé le 21 mars 2020. Avant cela, le 19 mars, le président E.D. Mnangagwa avait déjà déclaré COVID-19 comme une catastrophe nationale. Le gouvernement a ensuite constitué le Groupe de travail interministériel national COVID-19, présidé par le vice-président du pays.
Mesures de restriction et de confinement
Le 23 mars 2020, le Président a annoncé un certain nombre de mesures pour contenir et prévenir la propagation du virus. Parmi ces mesures figurent :
i. Le contrôle aux frontières, y compris l’interdiction de tout voyage ou déplacement non essentiel aller et retour, à l’exception des résidents de retour et de la circulation des marchandises.
ii. L’interdiction des activités de divertissement et de loisirs, notamment les boîtes de nuit, les bars, les tavernes, les cinémas, les piscines, les gymnases et les activités sportives.
iii. La restriction des rassemblements publics, en limitant les rassemblements à un maximum de 50 personnes dans les contextes suivants : les confréries religieuses, les mariages, les conférences, les ateliers et les funérailles.
iv. La restriction des visites à l’Hospital ; les visites sont limitées à un parent par jour et par patient.
Le Président a annoncé d’autres mesures le 27 mars, notamment :
i. Un confinement total pendant 21 jours, à partir du lundi 30 mars 2020. Seuls les déplacements essentiels liés à la recherche de services de santé, de la nourriture, des médicaments et d’autres fournitures et services essentiels étaient exemptés.
ii. La suspension de toutes les opérations de transport public, à l’exception de celles de la société nationale de transport public, Zimbabwe United Passenger Company (ZUPCO).
iii. Le gouvernement et les autorités locales doivent assurer l’approvisionnement régulier en eau dans toutes les régions ainsi que la collecte des déchets ;
iv. La mise en place d’une ligne téléphonique d’urgence #2019 pour la période
v. L’expédition du test de dépistage du COVID-19 en le délocalisant vers les centres provinciaux.
vi. L’appel à la compassion des employeurs à l’égard de leur personnel.
vii. Le déploiement éventuel des forces de sécurité.
Les mesures supplémentaires annoncées par le gouvernement le 14 avril concernaient :
i. Le déploiement d’un programme de dépistage systématique du COVID-19 avec l’objectif de tester un minimum de 1.000 personnes par jour pour atteindre approximativement 33.000 personnes avant la fin avril.
ii. L’administration d’un test à toutes les personnes de plus de 60 ans admises dans les hôpitaux et souffrant de maladies chroniques comme l’asthme, l’hypertension, le diabète et les maladies cardiaques.
iii. L’administration d’un test à toutes les personnes qui ont travaillé pendant le confinement et qui ont été en interaction [sociale] avec la communauté, comme les agents de la force publique, les employés de fournisseurs de services comme les entreprises de distribution détail, les pompistes et les employés de points de vente de nourriture.
Le 20 avril 2020, le confinement a été prolongé de deux semaines supplémentaires, jusqu’au 3 mai 2020.
L’assouplissement du confinement
Le 1er mai 2020, le gouvernement a annoncé l’assouplissement des mesures de confinement, qui permettrait aux organisations formelles relevant des secteurs de l’industrie et du commerce de reprendre leurs activités une fois qu’elles auraient satisfait à des dispositions règlementaires spécifiques, notamment les tests de dépistage obligatoires des employés. Cependant, les organisations patronales et syndicales ont condamné la directive du gouvernement demandant aux employeurs de payer les frais de tests de dépistage du COVID-19 de leurs employés, qui coûtent approximativement 25 dollars par personne. Les syndicats et les employeurs ont fait valoir, sur la base du droit constitutionnel des citoyens à la protection en matière de santé, que le coût de ces tests devait être pris en charge par le gouvernement. L’Association des Avocats Zimbabwéens pour les droits humains a également porté l’affaire devant la haute cour pour que le gouvernement revienne sur cette directive.
Les mesures prises par le gouvernement pour protéger les travailleurs et les pauvres
• Le Trésor public prévoit de mettre en place un régime d’assurance pour les fonctionnaires dont le travail est directement lié à la lutte contre le COVID-19. Des discussions sont en cours avec la Commission de services de santé et de la fonction publique. Toutefois, ce régime ne s’applique qu’aux fonctionnaires relevant du secteur de la santé, ce qui laisse tous les autres travailleurs exposés et vulnérables. L’enquête sur la main d’œuvre et le travail des enfants de 2019 a révélé que seulement 2 % de la population est couverte par une certaine forme d’assistance médicale, ce qui laisse 98 % de la population sans couverture et exposés aux risques.
• Dans le cadre du programme de transfert d’argent, le Trésor public compte débloquer 200 millions de ZWL (8 millions de dollars US) par mois, en faveur d’un million de ménages vulnérables pendant les trois prochains mois. Cela représente une moyenne de 200 ZWL$ par ménage et par mois. Dans une situation où une miche de pain coûte 30 dollars zimbabwéens, les 200 dollars zimbabwéens ne représentent qu’environ 7 miches de pain par mois, soit à peine assez pour acheter 2 litres d’huile de cuisine. Il s’agit clairement d’un montant dérisoire.
• Le gouvernement a également alloué 50 millions de ZWL (2 millions de dollars US) à la Premier Service Medical Aid Society (PSMAS), qui est la société d’assistance médicale pour la majorité des fonctionnaires. Cependant, ces dernières années, la PSMAS s’est enlisée dans des affaires de corruption et des plaintes de clients au sujet de l’inefficacité de ses opérations.
• Le gouvernement a levé le gel de plus de 4.000 postes de santé qui était en vigueur, ouvrant la voie à de nouveaux emplois dans le secteur de la santé. 200 postes de santé supplémentaires ont également été créés.
• Le Trésor a débloqué 2 millions de dollars pour les importations liées à la lutte contre le COVID-19
• Le gouvernement est en train de moderniser l’un des principaux centres d’isolement de l’hôpital Wilkins à Harare avec le soutien du gouvernement chinois.
Le plan de sauvetage et de relance économique de 18 milliards de dollars zimbabwéens
Le 1er mai, le président zimbabwéen a annoncé un plan de sauvetage et de relance économique de 18 milliards de ZWL pour atténuer l’impact négatif causé par le nouveau coronavirus sur l’économie nationale. Dans un discours spécial adressé à la nation, le président a déclaré que ce plan représentait 9 % du produit intérieur brut (PIB) du pays ou 28,6 % du budget national pour 2020. "Jusqu’à présent, notre réponse à cette pandémie", a-t-il estimé, "nous a permis de mettre en place un plan de sauvetage et de relance économique de 18 milliards de dollars zimbabwéens, ce qui représente 9 % de notre produit intérieur brut (PIB), soit 28,6 % du budget national 2020. Ce plan est proportionnel aux perturbations que le virus a provoquées dans notre économie nationale. Ce paquet de sauvetage et de stimulation économique est conçu pour augmenter la production dans tous les secteurs de l’économie en réponse à l’effet négatif de COVID-19".
Il a ajouté que le plan de sauvetage sera utilisé pour soutenir les petites industries, améliorer les installations sanitaires et protéger les groupes vulnérables de notre société. Il a expliqué que le plan de sauvetage sera également utilisé pour répondre aux besoins des petites industries, améliorer les installations sanitaires, réduire la pauvreté et les difficultés et aider les groupes vulnérables de notre société. "Notre plan de sauvetage et de stimulation de 18 milliards de dollars zimbabwéens est donc basé sur notre aspiration à répondre aux divers besoins de notre économie nationale, qui comprennent le renforcement des capacités des micro, petites et moyennes entreprises (MPME) ainsi que celles du secteur informel", a-t-il souligné.
Bien que ce paquet soit digne d’éloges, les critiques soulignent le fait que ses chiffres semblent fictifs puisque le gouvernement est trop fauché pour se permettre un paquet d’une telle ampleur. Toutefois, outre ses propres efforts, le gouvernement a également lancé un appel à l’aide international et aux divers partenaires de coopération, y compris le gouvernement chinois, qui se sont engagés à soutenir le pays.
Le rôle des syndicats dans la lutte contre la COVID 19
Le Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU) avait lancé le premier appel pour le confinement national, à travers un communiqué de presse du 20 mars. C’était avant que le gouvernement n’annonce les mesures de confinement. Plus concrètement, les syndicats avaient présenté un document technique sur la réponse des travailleurs au COVID-19 pendant le Forum de négociation tripartite. Ce document a été utilisé pour élaborer une réponse nationale du Forum.
Conjointement avec son Institut de recherche, LEDRIZ, le ZCTU a participé à une émission radiophonique interactive hebdomadaire de l’une des stations de radio locales (CAPITAL K). Les émissions de radio sont destinées à intensifier l’éducation et la sensibilisation au sujet du COVID-19, à faire connaître la participation de ZCTU au Forum de négociation tripartite ainsi qu’à diffuser les positions convenues au Forum. Cette émission a également servi de plate-forme pour critiquer les décisions unilatérales du gouvernement et de proposer des alternatives. Elle a en outre servi de forum de discussion pour les autres parties prenantes de l’économie informelle, de l’OIT et du ministère du travail, en offrant l’opportunité de répondre à certains défis des travailleurs découlant du confinement.
Les syndicats ont également participé à la mise à disposition des e-matériels sur le COVID-19 et ont créé une plateforme WhatsApp COVID-19 pour que les travailleurs puissent échanger sur leurs problèmes et leurs réclamations.
Les syndicats ont également participé à des inspections tripartites du travail menées dans le domaine de la de la santé sur le lieu de travail.
Le jour de la fête du Travail, le message du Président du ZCTU diffusé en direct sur Facebook s’est concentré sur le thème de la célébration "Stoppez la pandémie de COVID-19, renforcez la protection sociale et le dialogue social, sauvegardez les emplois et payez un salaire vital".
Les défis auxquels le Zimbabwe est confronté dans la lutte contre la pandémie
Il convient de noter que le gouvernement et les autres parties prenantes ont fait preuve de diligence dans la lutte contre la pandémie, même si cela n’a pas été sans défis. Voici quelques défis identifiés qui nécessitent une attention immédiate pour renforcer la lutte :
i. L’action du gouvernement est assez lente.
ii. La lenteur des décaissements des fonds en monnaie locale. Dans une économie caractérisée par une inflation persistante, la lenteur des déboursements de fonds entraîne une perte de valeur monétaire évitable.
iii. L’incohérence dans l’utilisation des processus de dialogue social. Parfois, le gouvernement se contente de publier des déclarations unilatérales et des textes réglementaires sans faire référence au Forum tripartite de négociation. Un exemple en est la récente directive relative à l’administration des tests de dépistage obligatoires aux employés. Cela n’a pas été bien accueillie par les partenaires sociaux.
iv. Il y a un manque de transparence et de responsabilité concernant les fonds reçus et déboursés ; certaines tendances à la corruption apparaissent dans l’administration des fonds COVID-19.
v. Il n’y a pas de critères clairs pour la sélection des personnes devant être soutenues par le gouvernement.
vi. En principe, les congés de maladie sont accordés à tous les travailleurs conformément à la législation du travail, mais il n’y a pas eu d’annonces et de précisions particulières à ce sujet dans le contexte de COVID-19.
vii. Il y a également des retards dans la décentralisation des tests de dépistage. Là encore, la lenteur avec laquelle les résultats des tests COVID-19 sont publiés rend difficile le contrôle de la propagation du virus. Le gouvernement n’arrive pas à réaliser ses propres objectifs qu’il a annoncés en ce qui concerne les tests.
viii. D’autres déportés arrivant d’Afrique du Sud, du Botswana et de l’étranger posent également un danger d’aggravation de la pandémie. Bien qu’ils soient mis en quarantaine, on craint toujours l’apparition de nouveaux cas.
ix. Les transports publics adéquats et l’application nécessaire des directives de l’OMS pour les travailleurs font défaut depuis l’assouplissement du confinement national
Conclusion
Le 13 mai 2020, le Zimbabwe a enregistré 37 cas COVID-19, 12 cas de guérison et 4 cas de décès. Comme d’autres pays, il fait ce qu’il peut pour lutter contre la pandémie de coronavirus. La situation a été aggravée par les circonstances politiques et économiques particulièrement difficiles du pays avant le début de la crise sanitaire.
Comme d’autres élites politiques en Afrique, l’élite politique du Zimbabwe doit comprendre que lorsqu’il s’agit de relever les défis de la survie mondiale, chaque peuple doit rester dans son pays et tirer le meilleur parti de sa situation. La pandémie COVID-19 et les restrictions qui ont été imposées à tous les niveaux doivent servir de leçon à nos dirigeants politiques pour qu’ils comprennent la nécessité de tendre la main de manière équitable aux différentes tranches de nos populations en vue de les rallier autour des efforts de la reconstruction nationale.
Le ZCTU et la société civile du Zimbabwe ont fait preuve de résilience pendant plus d’une décennie des turbulences politiques et économiques, d’incertitudes et de crises au Zimbabwe. Pendant cette période de crise existentielle provoquée par le coronavirus, ils ont une fois de plus démontré leur volonté et leur capacité à apporter leur contribution au destin de leur pays.
Nous faisons confiance aux syndicats du Zimbabwe pour exercer davantage des pressions sur les dirigeants politiques du Zimbabwe en vue de les amener à saisir l’opportunité de la crise offerte par COVID-19 pour fournir l’espace nécessaire aux syndicats, aux entreprises et aux autres sections du Zimbabwe pour qu’ils se serrent les coudes afin de reconstruire le Zimbabwe et de le titrer du marasme dans lequel il a été plongé au cours des dernières années.